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Présentation de l’exposition d’Hervé Beurel, Carré central, 2014, oeuvre in situ, galerie du Dourven, Trédrez-Locquémeau

Hervé Beurel, Carré central, 2014, œuvre in situ, galerie du Dourven, Trédrez-Locquémeau.

Intérêt pour la ville et l’espace public. Hervé Beurel ne se définit ni en tant que photographe, ni en tant que documentariste. Sa démarche plastique se développe du repérage au collectage par la photographie ou le film. Elle se prolonge par leurs modes de présentation sur le lieu de l’exposition et parfois par la conception d’éditions. Ses oeuvres évacuent l’émotion de la vision subjective pour la présentation de coïncidences entre les motifs récoltés et les matérialités des formes plastiques exposées. Souvent, elles pointent la réversibilité des lectures entre objet usuel et art, révèlent des relations entre les catégories artistiques (architecture, peinture, installation…), abordent les questions liées à la reproduction des oeuvres d’art et la conception de l’art comme un processus de mise en abyme de la représentation. « Je réalise depuis 2004, des photographies de grands formats organisées en séries, (Collection publique, 2004), consistant à archiver un environnement ornemental en voie de disparition, celui de compositions murales accompagnant les programmes architecturaux des années 60-70. Autrement dit, mon intérêt pour la ville et l’espace public en général m’a amené à repérer et à inventorier les références d’une certaine utopie architecturale, à travers les signes et les traces visibles qui subsistent d’une forme d’esthétique moderniste et d’abstraction géométrique ».1

Invité à la galerie du Dourven, l’artiste conçoit une installation in situ2 questionnant d’une part l’architecture et les fonctions du lieu et d’autre part, sa situation géographique. L’architecture s’affirme comme étant le cadre de l’image photographique.

Exposition Carré Central, 2014, galerie du Dourven, photographie Hervé Beurel.
Exposition Carré Central, 2014, galerie du Dourven, photographie Hervé Beurel.

Motif et contextes / image et volume / illusion et réel. Une photographie du parc du Dourven associée à une photographie d’une mosaïque murale prélevée dans l’espace urbain de Lannion sont dimensionnées à l’échelle des murs de l’espace d’exposition. Bien qu’évoquant un panorama ou un trompe-l’oeil, les représentations invitent à l’ajustement de notre regard. Nous cherchons les jeux d’échelle, les relations entre les motifs et leur contexte. Quelle proximité ou quel écart s’instaure-t-il entre le motif et sa représentation ? Dès son entrée dans le parc, le promeneur est déjà dans un dispositif visuel construit par l’association des verticales produites par les arbres et de l’horizon du paysage maritime. Dans les intervalles des troncs, se composent autant de points de vue. La véranda de la galerie cadre un paysage qui se modifie en fonction de la déambulation du spectateur. C’est alors que la représentation photographique du paysage d’Hervé Beurel agit en écho. Le spectateur prend physiquement place devant et dans l’image, en prend la mesure par le corps inscrit dans l’architecture et non plus seulement par le regard. Associées à la photographie, des vitrines transparentes et vides, mobilier muséographique de la galerie du Dourven, agissent comme contrepoint à la platitude de l’image. L’objet est un espace où s’affirme un choix, l’organisation d’une démonstration. Paradoxalement, cet objet réel va dans le sens de l’inexistant ; il a lui aussi une fonction de cadre, focalise différents moments de lecture, ici il met le corps à distance et bloque une image qui fuit de toute part.

Exposition Carré central, 2014, galerie du Dourven, photographie Hervé Beurel
Exposition Carré central, 2014, galerie du Dourven, photographie Hervé Beurel

Le lieu d’exposition comme cadre. L’ensemble des expositions présentées à la galerie du Dourven fait l’objet d’une documentation photographique confiée à des photographes professionnels. Depuis une vingtaine d’année, Hervé Beurel contribue à la constitution de ces archives. L’artiste a choisi de présenter une sélection de photographies dont il est l’auteur. Sur un écran défile un diaporama de plus de trois cents images en noir et blanc. L’artiste porte son attention sur le cadre de ces expositions, les murs et leurs multiples modifications et l’apparition régulière du paysage (reflets, ouvertures) dans l’image. L’artiste ne veut pas désigner ce qui s’est passé dans ce lieu mais en signifier les mutations et l’importance du contexte au gré des expositions.

Archétypes et histoire de la représentation du paysage. Archétype de représentation de paysage de bord de mer, la mosaïque du centre commercial de Ker Huel à Lannion, représente un phare et quatre personnages. Les protocoles de prise de vue et la présentation de ce motif photographié renforcent l’adéquation du sujet et de son lieu d’exposition. Le mode de présentation rend visible cette interaction du décoratif, du photographique et du pictural. « Les références à l’espace pictural, format, frontalité, platitude, neutralité, caractérisent le vocabulaire formel. La plupart de mes travaux jouent de la coïncidence entre objet et image. Autrement dit, la planéité des objets photographiés se superpose et se confond à celle du support photographique comme s’il s’agissait d’une substitution. En jouant du médium, de ses capacités à la fois descriptives et illusionnistes, j’obtiens une photographie ayant acquis une forte identité d’objet pour une perception immédiate, quasi-tactile. »1 La vidéo à l’entrée de la galerie donne à voir par le mouvement panoramique d’une caméra, le contexte urbain immédiat d’une mosaïque. Notre regard se déplace d’un environnement à l’autre sans hiérarchie, d’un parc paysager à une périphérie urbaine, d’un intérieur à un extérieur. Chaque espace et chaque architecture induisent une époque, des comportements, des relations sociales, des centres d’intérêts distincts. La galerie d’art se situe dans un parc, archétype de nos représentations paysagères. De même, ce quartier commercial (Ker huel signifie en breton, lieu situé sur une hauteur) est un archétype architectural et paysager des périphéries urbaines.

Ainsi, cette installation in situ interroge deux histoires de la représentation. L’une est liée à l’origine de la photographie qui s’inscrit dès son apparition dans le projet de la peinture romantique du XIXème dont le peintre allemand David Gaspard Friedrich3 serait l’une des figures de proue. L’autre apparaît au début du XXème siècle et tend vers la représentation abstraite des formes de la nature. La juxtaposition de ces deux photographies et de ces deux contextes, un quartier urbain et un parc paysager, opère une augmentation et une multiplication du sens de chacune de ces histoires de la représentation.

Exposition Carré central, 2014, galerie du Dourven, photographie Hervé Beurel
Exposition Carré central, 2014, galerie du Dourven, photographie Hervé Beurel

Enfin, deux dessins représentent le seul point de vue extérieur des deux lieux convoqués. Leur emplacement au coeur de l’exposition pourrait suggérer qu’ils sont à l’origine du projet. Dans les faits, ils se situent au terme du processus créatif. L’intention de l’exposition ne naît pas du dessin, mais des photographies d’exposition que l’artiste a réalisées à la galerie du Dourven ces dernières années. Comment naît le sens d’un travail ? Quel place tient le dessin dans le processus créatif ? La photographie peut-elle exister seule ? Doit-elle désigner le contexte ou le montrer, être comme un phare qui éclaire le contexte ?

1Extrait de l’entretien avec Jean-Christophe Nourisson en janvier 2007, dans le cadre de l’exposition Collection Publique, Galerie Fernand Léger, Ivry sur Seine.

2 En art contemporain, in situ, désigne une méthode artistique ou une oeuvre qui donne à penser le lieu où elle est installée ; elle n’a de sens que dans ce lieu. (voir définition Daniel Buren).

3 Caspar David Friedrich, né le 5 septembre 1774 à Greifswald mort le 7 mai 1840 à Dresde, peintre et dessinateur allemand, considéré comme l’artiste le plus significatif et influent de la peinture romantique allemande du XIXe siècle.

Pour en savoir plus : http://ddab.org/fr/oeuvres/Beurel

Autres actualités d’Hervé Beurel :

> Hervé Beurel, oeuvres, Galerie à vocation pédagogique du collège Luzel de Plouaret, 20 janvier au 27 février 2014. Exposition organisée par Itinéraires bis en partenariat avec le Frac Bretagne, dans le cadre des actions éducatives de la galerie du Dourven. Renseignements au 02 96 38 91 53

> Architecture(s). Exposition collective à l’Artothèque de Vitré, 25 janvier au 9 mars 2014. Renseignements au 02 99 75 07 60

> Mai-juin 2014. Galerie Art & Essai, Université Rennes 2. Renseignements au 02 99 14 11 42

Pistes pédagogiques et documents : notions de présentation des photographies, mise en abîme des histoires des représentations du paysage, immersion du corps du spectateur dans l’espace de l’exposition.

 

Commentaires 2

  • […] Depuis plus de 10 ans, Hervé Beurel enregistre par le moyen de la photographie des fragments de décors muraux – bas-reliefs, mosaïques, peintures – ornant des constructions publiques et privées des années 60 et 70. Téléchargez le communiqué de presse Visuel : Hervé Beurel, Tableau n°9, de la série Collection publique, 2006 Collection Frac Bretagne. Exposition Collections publiques Rennes | Hervé Beurel (Communiqué de presse) Exposition | "Carré central", Galerie du Dourven (2014) […]